Mon quartier et moi

 

Combien connaissent celle qui fut la rue prolongée ? puis la rue du lapin qui fume ?

Probablement, même pas les derniers habitants qui s’y sont installés.

Michel et ses frères la connaissent bien, eux. Ils y sont nés. Comme Marcel, leur papa et ses frères avant eux. Et encore leur grand-père, … et Guillaume, l’arrière-grand-père qui tenait une cave à vin sous les couverts de la place Nationale.

Michel y habite toujours avec son épouse. Parti a été pris de ne pas dévoiler le nom actuel de la rue : à vous chère lectrice, cher lecteur de déceler les indices qui vous permettront de l’identifier.

 

Michel, sous l’extrême attention de son chat, se souvient :

« Ici, à l’origine, ce n’était que champs de vignes. Les parcelles étaient séparées par des fossés, des buissons. Pas de rue goudronnée. La clôture était une pratique inconnue. Des petits chemins permettaient d’accéder aux baraquements des uns et des autres et tous se connaissaient. On y vendangeait alors ce qui est difficile à croire aujourd’hui puisque la rue s’est urbanisée progressivement.

Mais il reste quelque vestige comme ce pied de vigne centenaire dont les rameaux nous assurent une pergola naturelle.

Pas moins de 70 cm de circonférence pour ce pied de vigne

 

 Dans les jardins privés qui ont remplacé les vignes et à l’occasion de la construction des maisons, il s’est trouvé des éclats d’obus, terribles souvenirs de la présence de la division Das Reich dans une avenue proche.

D’autres vestiges ont disparu tels les puits de belle brique rouge. Le dernier que j’ai connu est désormais recouvert, au croisement de notre rue et de la Coulée Verte.

Dans mon enfance, la Coulée Verte, c’était la coulée de fer, une voie ferrée où les « Michelines » reliaient Montauban à Lexos. 

Cette voie ferrée était le lieu de balade avec les copains : on marchait sur les traverses et on y traquait les serpents. Dans un angle, camouflée dans des buissons, notre cabane refuge où les copains et moi fumions des P4 en cachette. Sauf qu’un jour, une Micheline en panne a mis le feu aux broussailles. »

Pourquoi était-ce une Rue Prolongée ?

« Dans les années 30, un gros propriétaire a cédé des parcelles : ça a été le début de la construction des maisons qui ont remplacé progressivement les vignes. Dès lors, il y a une rue et comme elle n’avait pas de nom, elle a été appelée la rue prolongée de celle qui la précède.

Et pourquoi la Rue du Lapin qui Fume ?

A été construite une maison toute en longueur qui faisait office de restaurant pour ceux qui travaillaient encore dans les vignes. Ce restaurant était : « Le Lapin qui Fume ».

Mon père l’appelait la « guinguette », tout un programme… mais j’étais trop jeune pour savoir et même comprendre. Il y avait au fond une roulotte qui avait appartenu au Cirque Pinder. Aujourd’hui encore, la plus grande discrétion est observée sur ce qui pouvait s’y passer de sordide.

Puis le restaurant a été vendu. Aujourd’hui à la place c’est une jolie maison. Et en 1962, la mairie a donné un nom à notre rue. Tout le monde ou presque a oublié la rue prolongée et le lapin qui fume.

 

La rue aujourd’hui

 Le développement immobilier s’est accompagné dans les années 50-60 de l’ouverture d’épiceries, pas moins de 5 alentours. Toutes disparues aujourd’hui.

Mais il y a toujours une ambiance de bien-aisant, bien-aidant et bienveillance entre les habitants de la rue. Pas un ne passe d’ailleurs dans la rue sans saluer l’autre.

Michel en rit encore :

 « Gamin, j’avais un solex constellé de décalcomanies. J’allais faire le plein de mélange chez M Morin, près du Grand Rond, en vis- à vis de la rue Hoche. Sauf qu’il fallait décalaminer le pot d’échappement à cause des résidus de l’huile du mélange. Alors, j’enlevais le pot, y mettait le feu pour brûler l’huile.

 Pendant le temps nécessaire au refroidissement du pot, je faisais le tour de la rue à fond sur le solex sans pot d’échappement donc et heureux du tapage ! Personne n’a jamais rouspété. Au contraire, j’étais un jeune qui s’amusait un peu. Par contre, je n’ai jamais abusé : un tour, c’est tout »

 

Vous avez identifié la rue ? Faites-le nous savoir : nous sommes tellement curieuses et curieux de savoir qui se souvient des vignes de Montauban et de la rue prolongée du lapin qui fume.

 

 

Illustration : © Le Pont des Savoirs

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