VÉCU DE FEMMES

 

Mathilde vient de fêter ses trente ans ; elle est maman de six enfants qu’elle élève seule.

 

« J’ai été enceinte à 16 ans, sans l’avoir cherché. Garder cet enfant était certainement pour moi une façon de combler le manque affectif de mon enfance, de me créer une famille. . Mais le papa de Salïa n’est pas resté très longtemps. Il est reparti vivre à Mayotte.»

Mathilde  assume et va rencontrer celui qui sera papa de deux jumelles : Yzeur et Maïssane .

Mathilde a alors 19 ans. Les fillettes ont une malformation cardiaque ;  une prothèse sera nécessaire pour l’une d’elle. Ici encore, le papa partira et ne reverra que très peu ses filles.

 « Leur papa leur manque. Regardez Yzeur qui s’est fait maquiller avec un dauphin sur le visage. Le dauphin est un tatouage que son père porte sur le bras ».

Suivront trois autres enfants : Yazid, Elkacem et la petite dernière Feyza-Kamilïa qui a 5 mois. Aucun des deux papas  concernés ne restera.

«  Six enfants, ça fait beaucoup de linge à laver. La machine à laver n’a pas le droit d’être en panne. Il n’y a pas une semaine sans que j’aille chez le médecin pour l’un ou l’autre. Quand une des jumelles se fait mal, je sais que l’autre ne va tarder à se blesser aussi. La fratrie n’est pas très calme et ça se chamaille.»

Six enfants, ça doit être épuisant. Pourtant Mathilde semble radieuse.

 

« La nuit, c’est surtout Lili, le chat qui me réveille en grattant sa litière, plus que les enfants. Comme je n’ai pas de voiture, nous marchons beaucoup, c’est un bon exercice. Nous faisons tout à pied. Nous habitons en cœur de ville, les écoles ne sont pas loin et nous allons à pied dans les zones commerciales de périphérie. Pour les devoirs, l’ASEC aide aussi les enfants.

Le plus difficile est notre logement vétuste. Il sent le moisi et on y respire mal, on devient asthmatique. Le pire a été pendant le premier confinement. J’étais enceinte de Feyza-Kamilïa quand  j’ai été contaminée par la COVID19. Enfermée dans ce logement, je pouvais à peine respirer.  

Chaque année, je fais une demande pour un logement en HLM, chaque année c’est un refus. Femme seule avec six enfants,  aucun propriétaire ne veut me faire confiance. Je n’ai pas encore  trouvé qui  peut m’aider pour ça. C’est pour ça aussi qu’on sort le plus possible et c’est un plaisir de venir aux animations des Loisirs Nomades. »

Difficile de résister au sourire de Mathilde. Pourtant on ose  lui poser la question « et si c’était à refaire ? »

 « Je suis heureuse. J’ai  toujours été très autonome. J’ai fait mon apprentissage en  pâtisserie. C’est un métier désormais impossible pour moi car il suppose de travailler très tôt le matin, les jours fériés, les dimanches. Impossible avec les enfants. Par contre, je leur prépare de très bons desserts.

C’est vrai que si j’avais eu une stabilité professionnelle avant les enfants, ça aurait été mieux. Mieux aussi s’il y avait eu un seul papa et un papa qui reste.  Je sais que mes enfants sont en manque de papa.

 

  L’important, c’est maintenant et demain. Je veux me former dans l’animation petite enfance et avoir une spécialité de diététique car apprendre à bien manger dès le plus jeune âge, c’est important. »

 

Yazid, Elkacem et Yzeur superbement maquillés par les animateurs des Loisirs Nomades des Francas

 

 

Illustration : © Pont des Savoirs- Mathilde S

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