Les entretiens de Véronique la Curieuse :

Ma copine Domi rentre d’un séjour en Russie. Elle est enchantée mais quand même perturbée: « C’est dur de ne pas comprendre la langue. Impossible de se repérer dans les transports, de lire une carte, de communiquer avec les gens…»

Un voyage est une chose ; l’exil en est une autre. Comment s’intégrer et vivre au quotidien quand on ne comprend pas la langue du pays où on réside, par choix ou par contrainte? Peut-on rester longtemps allophone quand on s’installe à Montauban?

L’association de l’aide aux familles des travailleurs migrants (l’AFTRAM) s’investit depuis 1976  dans le soutien à l’insertion sociale et culturelle des personnes allophones à Montauban.

Je pars donc à la rencontre de ses collaborateurs qui accompagnent ceux qui veulent faire tomber la barrière de la langue. Joëlle m’accueille chaleureusement et Audrey m’explique comment les gens entrent en contact avec l’association :

« Les nouveaux arrivants disposent d’une information via le relais de structures d’accueil spécialisées. Lors du premier contact, je procède à une évaluation pour adapter le meilleur service à fournir. Il y a effectivement une différence entre une personne qui a suivi un parcours universitaire dans son pays d’origine et une personne analphabète ou très peu scolarisée. Il y a aussi une différence entre la personne venue s’installer par choix à Montauban et celle qui subit une migration forcée. Plusieurs partenaires européens et locaux se mobilisent pour permettre le financement de cet accueil et des formations. L’an passé, nous avons accueilli et formé environ 180 personnes sur le seul site de Montauban. Chacune dispose d’un service assuré pendant six mois, renouvelable si besoin».

Source: Véronique la Curieuse

 

Qui sont ces gens qui font appel à vous?

C’est extrêmement varié. Par exemple, j’accompagne un jeune migrant sans domicile ni même de place au 115, mais aussi une jeune diplômée ukrainienne venue en France rejoindre sa mère qui vient d’épouser un Montalbanais. Dans toutes les situations, apprendre le français est la condition nécessaire pour s’intégrer et évoluer socialement et professionnellement. Une personne que nous avons accueillie en 2015 est aujourd’hui chef d’une équipe de soixante employés ; elle revient pour perfectionner son français afin de pouvoir passer une qualification supérieure.

J’ai eu la surprise de découvrir une personne d’origine africaine qui a migré en Espagne où elle a appris cette langue d’accueil. Elle réside à Montauban depuis quelques années et parle toujours l’espagnol qui n’est pourtant pas sa langue maternelle et ne veut pas apprendre le français.  Cela ne l’a toutefois pas empêchée de trouver un emploi. Cette situation est-elle fréquente?

Le refus d’apprendre est fréquent ; les personnes s’autocensurent par timidité, par peur de ne pas bien se faire comprendre ou à cause de leur accent. C’est une forme de blocage à l’apprentissage.

C’est vrai pour l’adulte, encore plus pour des femmes qui n’ont pas eu à travailler et qui ont pu bénéficier de l’appui de l’entourage et de leurs enfants scolarisés. J’ai récemment accueilli une femme de 50 ans qui est arrivée en France à l’âge de 10 ans. Sa scolarité a été difficile à l’époque, un véritable échec, mais elle a pu trouver un emploi, fonder une famille et apprendre le français parlé. Aujourd’hui, elle est veuve, ses enfants ont quitté le foyer maternel pour vivre leur vie, et elle nous a rejoint pour apprendre à lire et à écrire. Sans l’entourage familial ou associatif, il très difficile de s’intégrer au quotidien.

Source: Véronique la Curieuse

 

Avec vos presque quinze années de recul dans l’accompagnement des personnes à l’AFTRAM, quelle est votre plus grande fierté?

Quand les personnes arrivent, elles sont convaincues de ne pas pouvoir arriver à parler français. Nous passons beaucoup de temps à les rassurer pour leur faire franchir le cap du « je n’y arriverai jamais. » Tout le monde y parvient en persévérant et cela me rend heureuse, tout comme les personnes sont heureuses de voir leurs récits d’expérience publiés dans le recueil annuel du Pied à l’encrier de l’Union Cépière Robert Monnier pour Agir Ensemble. Certains textes portent en marge le logo du « coup de cœur » du jury. C’est une grande fierté.

Source: Véronique la Curieuse

Et le coup de cœur d’Audrey, il est pour qui?

Le texte de Yacuba.

 

Le texte de Yakuba

« Déménager dans un pays étranger (…) vous devez avoir du courage, de la résilience et un esprit ouvert. »

 (Rosieli Leal Dos Santos – AFTRAM – publié dans le Pied à l’encrier 2017-2018)

 

Article rédigé avec la précieuse collaboration de Greg Lamazères