Que faites-vous d’une chaussette trouée ? Vous la reprisez ? Ou bien, comme moi, vous la jetez?

Loin le temps où l’on ravaudait ses vêtements, tricotait son pull-over, brodait ses napperons, cousait des pièces aux niveaux des coudes  des vestes et genoux des pantalons pour en éviter l’usure. Loin le temps où les bons tricots de laine sentaient la naphtaline qui les protégeait des mites dans les placards. Notre prêt à porter d’aujourd’hui n’est pas loin d’être un prêt à jeter.

 Alors pourquoi coudre ou tricoter ?  Le coût souvent prohibitif  des pelotes de laine, coupons de tissu  et  accessoires de mercerie cumulé à  l’explosion des  marchés du vêtement d’occasion fait des travaux d’aiguille un loisir d’élite adepte du « fait soi-même ». Qu’est-ce qui motive ces passionnés de l’agitation des aiguilles à se retrouver tous les mercredis au Pont des Savoirs ?

Partons à leur rencontre.

Danièle, Josette, Marie, Pierre, Paule, Eliane et Bénédicte acceptent bien volontiers le principe de l’entretien mais pas question  pour autant de lâcher leur ouvrage des yeux. Et des ouvrages, il y en a pléthore : des sacs, sets de table,  étuis à lunette, porte-carte, housse à pain, bustier, châle, écharpes, poupée, protège carnet, porte-chéquier et même… un  début de fourreau à épée !

 

Entretien de Véronique la Curieuse :

 

« Bonjour,  pourquoi venez-vous ici ?  Parce que vous aimez coudre ou pour apprendre à coudre ? Vous ne seriez pas mieux concentrés à votre domicile»

Pour Danièle, c’est tout simplement parce qu’elle n’aime pas coudre toute seule chez elle. Elle s’y ennuie. Josette confirme : l’atelier est un espace très convivial où les discussions vont bon train. Marie qui  a décroché naguère  un CAP de couture n’a pourtant jamais pratiqué la couture et y revient  désormais avec enthousiasme pour se ressourcer. Pour Paule, coudre et tricoter dans le cadre de l’atelier est une formidable rupture de la solitude : « On vient ici pour être heureux ! ».  Quant à Pierre, il a fierté à faire quelque chose de ses mains, à apprendre et  pouvoir transmettre à son tour.  Eliane est absorbée par l’aide  apportée à une jeune fille apparemment traumatisée par le montage de mailles sur son aiguille à tricoter.

 

«  L’atelier  des aiguilles est donc un espace de rencontre, de partage, d’échange où l’on s’amuse autant qu’on y apprend des techniques pour réaliser ce que l’on a envie.  Mais le matériel, les accessoires, tout ça  coûte cher ? »

Danièle agite le pochon qu’elle est en train de coudre et explique qu’il est une réutilisation d’un vieux pantalon jean .Bénédicte présente avec passion les techniques de récupération de tee shirts, le Trafilo,  fil  de tissus recyclés. Nos passionnés d’aiguilles sont devenus des spécialistes de l’économie circulaire.

« En résumé, votre atelier est en  parfaite adéquation avec les valeurs de partage,  de faire soi-même, de donner une deuxième vie à des vêtements et tout cela dans la joie et bonne humeur. Que faites-vous de toutes vos réalisations ? »

Eliane tricote pour les autres depuis dix ans : ses petits enfants ont été la première source de motivation. Josette affirme « faire pour donner » tout comme Marie  et Danièle attachées à assurer un maximum de réalisations pour une mise en vente à prix dérisoire lors du Marché de Noël   Bénédicte, habitée par la passion de la réalisation  « quel plaisir de voir le travail monter ! »  et le goût de la création « un fil  d’une couleur particulière peut tout changer «. Elle décore son intérieur, celui de ses  enfants et offre certaines de ses créations pour le Marché de Noël. Elle reconnaît que la minutie de ces travaux, comme l’origami,  la calme et l’apaise.

 

Alors quel sens à cet atelier Aiguilles du Pont des Savoirs ?

Nous avons bien trouvé la réponse : Rompre la solitude, apprendre et transmettre, aider et partager, recycler, créer, se sentir utile, offrir, faire plaisir et  se faire plaisir : être « bien» tout simplement.

En résumé : tous les bénéfices d’une équipe  disparate que le meilleur des tutoriels Couture du web ne saurait apporter.

Au final, chacun y trouve ce qu’il vient y chercher. Et les plus expérimentés n’auraient jamais imaginé contribuer à la création du fourreau à épée de Pierre.

 

Paule : « venir pour être heureux ! »

 

Propos recueillis par Véronique la Curieuse.